La hiérarchie des symptômes du SOPK

Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) est un trouble hormonal qui affecte la vie de nombreuses femmes. Malheureusement, il peut être minimisé et sous-estimé par leur entourage ou les professionnels de santé qu’elles côtoient en raison d’une hiérarchie implicite des maladies et des symptômes qui existe dans notre société. Je te partage aujourd’hui mon point de vue sur la question et pourquoi, selon moi, il est important de ne pas minimiser ce que c’est pour une femme de vivre avec le SOPK.

Si tu souhaites une version audio, je t’invite à écouter l’épisode dédié de mon podcast :

« Il y a pire dans la vie »

Qui n’a jamais entendu l’expression « Il y a pire dans la vie ». Parce que, en tant qu’humain, on passe nos journées à classer et catégoriser les choses qui nous entourent. En se basant sur notre vécu, notre culture, nos goûts, on se met à classer tout et n’importe quoi. Tu sais ainsi catégoriser des aliments par ordre de préférence, des personnes selon l’affinité que tu ressens pour elles, des fleurs de la plus belle à celle qui t’est la plus indifférente. Si tu y réfléchis bien, beaucoup de dilemme auxquels tu as pu être confronté.e venaient de ton incapacité à créer un ordre d’après les critères de classement qui te viennent naturellement. Ainsi, à la question : « Préfères-tu manger uniquement des pommes jusqu’à la fin de ta vie ou bien perdre un orteil ? », tu auras certainement des difficultés à décider rapidement quel est le meilleur choix.

De cette habitude naissent donc des classements, qui suivent différents critères selon l’objet dont il est question. C’est ainsi que la hiérarchie de la souffrance apparaît. En effet, au fil de la vie, du récit des personnes que l’on rencontre et de notre vécu, on va commencer à s’imaginer ce qui est le pire dans la vie. C’est quoi le pire entre perdre sa mère ou bien avoir un accident de voiture ? Entre voir sa maison brûler ou ne pouvoir secourir une personne en danger ? Entre devoir tuer un être humain pour survivre ou bien assister à un meurtre ? Chacun se fera son idée et finira par avoir un classement personnel, une échelle des souffrances, ordonnant les choses pouvant être vécues, des pires au moins pires.

La hiérarchie des problèmes de santé (maladies, syndromes, symptômes)

Comme je viens de l’évoquer, on a tous en nous une échelle de référence du pire au moins pire, que l’on va utiliser pour essayer de jauger, de quantifier la souffrance potentielle des autres êtres humains qui nous entourent. Cette échelle, on l’utilise aussi pour hiérarchiser les problèmes de santé. Il existe ainsi une hiérarchie implicite des maladies et des symptômes en fonction des potentielles souffrances qu’elles peuvent occasionner.

Sur mon échelle personnelle, je dirais donc par exemple qu’avoir un cancer, c’est pire que d’avoir une grippe. Je dirais aussi qu’avoir le SOPK, c’est préférable à l’amputation des membres inférieurs. Je dirais aussi que les sautes d’humeur sont pires que l’acné et que la perte de cheveux est pire que l’hirsutisme. Même s’il est possible que tu sois d’accord, cette échelle m’est personnelle. Strictement personnelle. Je n’ai pas vécu toutes ces épreuves possibles. Mon appréciation se base donc sur mon imagination, l’idée que je me fais de chaque situation et sur des critères personnels. À l’échelle d’un pays, d’une culture, l’ensemble de nos échelles d’appréciation va former une sorte de hiérarchie implicite qui classe toutes les maladies, syndromes et symptômes.

Le SOPK « ne tue pas »

De mon impression, le SOPK n’est clairement pas en tête de liste sur l’échelle des souffrances alors qu’il est pour beaucoup de femmes la source principale d’une souffrance très importante. Les symptômes tels que les douleurs pelviennes, les troubles de l’humeur, les problèmes de sommeil, les ballonnements, l’infertilité, les troubles menstruels et les symptômes prémenstruels peuvent être considérés comme mineurs par ceux qui ne les ont jamais vécus.

Bien évidement, certaines maladies peuvent conduire à des séquelles très importantes ou même au décès, et selon le contexte que l’on analyse, le regard doit être différent. Par exemple, dans le cadre de l’accompagnement médical d’urgence, une hémorragie interne est prioritaire par rapport aux douleurs pelviennes. Le caractère « vital » de la situation doit permettre d’aider au mieux les patients. Le problème étant selon moi que, dans un contexte ou l’accès aux professionnels de santé est plus difficile, l’accompagnement des femmes touchées par le SOPK peut devenir insuffisant du fait du caractère généralement « non urgent » de l’accompagnement.

Oui, le SOPK ne tue pas, du moins pas tout de suite. Pour rappel, parmi les complications du SOPK, on peut citer la dépression, le cancer de l’endomètre, le diabète de type 2, le syndrome métabolique, l’hypertension artérielle, l’hyperlipidémie, l’apnée obstructive du sommeil, l’inflammation chronique de bas grade et la stéatose hépatique non alcoolique. Ce sont des complications graves, qui peuvent arriver si les femmes ne sont pas correctement accompagnées. Je tiens aussi à rappeler que le nombre de suicides chez les femmes atteintes par le syndrome serait sept fois supérieur à celui des femmes non touchées1. Donc non, le SOPK ne tue pas en quelques secondes. Cependant, un mauvais accompagnement peut malheureusement mener les femmes atteintes à de graves problèmes de santé ou même au décès.

La hiérarchie des symptômes du SOPK

Comme pour les autres maladies, j’ai le sentiment que le SOPK se voit aussi attribuer une échelle. On parle ainsi de SOPK plus sévère, moins sévère. Il va y avoir une hiérarchie des symptômes et chaque symptôme va alors avoir une place sur l’échelle de souffrance.

Ainsi, de mon point de vue, (et le tien peut être totalement différent et c’est ok), j’ai l’impression que perdre ses cheveux ou avoir de l’hirsutisme au visage est considéré comme pire qu’avoir des sautes d’humeur, une absence de libido ou de l’acné ; et vivre une dépression est considéré comme pire que d’avoir des douleurs menstruelles.

Le problème, c’est que comme toute échelle, elle est personnelle. Ainsi, s’il est pire à mes yeux de perdre ses cheveux que d’avoir de l’acné, il n’en sera pas forcément de même pour une autre personne. Chaque personne a son ressenti et son échelle de souffrance personnelle. Certaines peuvent tomber en dépression à cause de leur acné alors que d’autres vivront très bien leur hirsutisme. Certaines vivront comme une souffrance immense leur absence de libido alors que d’autres n’estiment pas cela primordial.

Relativiser

Parfois, relativiser, ça fait du bien. Se dire que finalement notre souffrance pourrait être pire, ça peut dans une certaine mesure aider à apprécier ce qui est positif et à se sentir moins enseveli.e sous le poids des souffrances.

Certain.e.s y trouveront un élan pour aller vers le mieux, alors que d’autres n’y verront qu’une manière détournée de ne pas rendre légitime leurs souffrances. Encore une fois, c’est une question de point de vue, mais aussi de moment.

Certains jours, relativiser peut nous faire du bien alors que d’autres jours, ce n’est pas ce qu’il nous faut. Généralement, ce qu’il nous faut alors, c’est de l’empathie.

Une question d’empathie

Certain.e.s arrivent à faire preuve d’empathie et à considérer la souffrance de l’autre même sans y avoir été confronté. Il suffit pour cela de mettre de côté son échelle d’appréciation de la souffrance et d’accueillir le récit de notre interlocuteur sans remettre en cause ses ressentis et son vécu.

Les personnes qui prononcent la fameuse phrase « il y a pire dans la vie » n’arrivent pas à faire preuve de cette empathie. Elles peuvent aussi souhaiter que leur interlocuteur relativise la situation. Si à cet instant tu recherches de l’empathie, tu n’es certainement pas en face de la bonne personne ou bien cette personne n’est pas disposée sur l’instant à t’offrir cette empathie.

Le manque d’empathie peut cependant être extrêmement nuisible pour les personnes touchées par des maladies, quelle que soit leur gravité apparente. En effet, chacun vit sa propre réalité et ses propres souffrances, et il n’est pas possible de les comparer ou de les hiérarchiser. De plus, cela peut amener les personnes touchées à se sentir ignorées, minimisées ou incomprises par leurs interlocuteurs.

Il est important de prendre en compte les souffrances de chacun, indépendamment de leur degré de gravité perçu. Des problèmes complexes et déroutants peuvent affecter la qualité de vie des femmes touchées par le SOPK de manière significative. Il est donc crucial de les soutenir et de les accompagner sur leur chemin vers le bien-être.

En résumé

Même s’il peut être utile de prendre du recul face aux différentes maladies qui existent, il est également crucial de reconnaître le mal-être et la souffrance occasionnés par le SOPK. Les femmes touchées doivent être accompagnées avec sérieux et empathie. En effet, en dépit du fait que le SOPK peut amener à d’autres troubles de santé « plus graves », la souffrance ressentie par les femmes touchées existe et se doit d’être reconnues. C’est pourquoi il est important de sensibiliser la société à la réalité de ce syndrome afin que l’accompagnement du SOPK évolue.

Dans mon dernier article, j’évoquais l’importance du sentiment de légitimité lorsqu’on est atteinte du SOPK. J’expliquais en quoi ce sentiment est primordial pour préserver son bien-être et sa santé. Si ça t’intéresse, tu peux le retrouver par ici : SOPK : Tu es légitime.

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hiérarchie symptômes

1. Mattias Månsson, Jan Holte, Kerstin Landin-Wilhelmsen, Eva Dahlgren, Anette Johansson, Mikael Landén, Women with polycystic ovary syndrome are often depressed or anxious—A case control study, Psychoneuroendocrinology, Volume 33, Issue 8, 2008, Pages 1132-1138, ISSN 0306-4530, https://doi.org/10.1016/j.psyneuen.2008.06.003.

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